Un nuit dans la Suite Grace Kelly
Parmi tous les prestigieux convives qui ont un jour foulé le marbre du lobby, une en particulier n’a jamais manqué de faire battre le cœur de l’établissement, avec autant de force que d’élégance. Loin des projecteurs et des caméras, la Princesse Grace Kelly est venue plus d’une fois poser ses bagages à l’Hôtel de la Paix lors de ses visites à Genève. Pour faire vivre la mémoire de cette invitée extraordinaire, la Maison a nommé sa plus belle suite — celle que la princesse préférait — en son honneur. Le temps d’une nuit, nous poussons pour vous les portes de cette chambre encore pleine de souvenirs ; un voyage aussi somptueux qu’intimisme sur les traces d’une femme que le monde n’a jamais oubliée.
Vivre cent vies à la fois
Si le nom de Grace Kelly parle aux oreilles du monde entier, tous ne le connaissent pas pour les mêmes raisons : Grace Kelly, icône de mode, figure des années 50 ; Grace Kelly, vedette hollywoodienne et égérie d’Alfred Hitchcock ; Grace Kelly, princesse consort de Monaco… tant de vies contraires qui, pourtant, n’en forment qu’une seule.
Élevée dans la culture de l’effort — après tout, ses parents sont tous deux sportifs de haut niveau —, il fallait s’attendre à ce que la jeune fille de Philadelphie soit promise à un destin hors norme. Malgré la réticence de ses parents, Grace tente de gagner le monde du cinéma ; elle devient mannequin et figure dans des publicités pour se payer des cours d’art dramatique. Et puis ses efforts paient : après être montée sur les planches, la jeune actrice décroche, à 22 ans, son premier rôle sur grand écran, 14 heures de Henry Hathaway. L’acteur de légende Gary Cooper, qui la remarque alors qu’elle visite des studios de cinéma, la fait engagée dans le western culte de Fred Ziannemann, Le train sifflera trois fois. En 1953, elle est nominée aux Oscars dans la catégorie « meilleur second rôle féminin », mais le titre lui échappe… Ce n’est que partie remise. Alfred Hitchcock, « le maître du suspens », ne tarde pas à faire de Grace sa coqueluche : elle crève l’écran dans Le crime était presque parfait, Fenêtre sur cour et La Main au collet.
- Au sommet de sa gloire à 26 ans, la vedette d’Hollywood remporte l’Oscar de la meilleure actrice pour Une fille de province — une consécration. Pourtant, en 1956, Grace Kelly tire un trait définitif sur sa carrière devant la caméra : par un concours de circonstances, à l’occasion du Festival de Cannes, l’actrice américaine fait la connaissance du Prince Rainier III de Monaco ; leurs fiançailles sont annoncées l’année suivante. Grace est sur le point de devenir princesse.
Elle porte son titre avec exemplarité, fait entrer la mode dans une nouvelle ère — si bien, d’ailleurs, qu’on la considère aujourd’hui encore comme la femme la plus élégante au monde —, brille par son engagement humanitaire, notamment en tant que présidente de la Croix-Rouge monégasque… Une vie riche et multiple qui prend tragiquement fin le 14 septembre 1982, à la suite d’un accident de voiture.
Près de quarante ans après sa disparition, la légende de Grace Kelly est encore sur toutes les lèvres. Ambassadrice de l’élégance inconditionnelle, incarnation du glamour, coutumière aux hauts standards… ce n’est certainement pas un hasard si la princesse s’est prise d’une affection particulière pour l’Hôtel de la Paix — une affection réciproque à laquelle la suite Grace Kelly rend un bel hommage.
Une suite faite de la même étoffe que les rêves
Inutile de monter haut dans les étages pour rendre visite aux étoiles ; le joyau de l’hôtel se cache au premier. Il y a dans la suite Grace Kelly une atmosphère envoûtante, presque indescriptible : sereine, lumineuse, féminine, confidentielle, avec, au fond de l’air, quelque chose d’éminemment poétique.
Du parquet d’époque style dalle de Versailles aux moulures dorées, le luxe s’exprime ici dans ce qu’il a de plus discret, de plus chaleureux. Dans le salon, le jeu des couleurs et des matières, le mariage d’éléments anciens et modernes, insufflent au confort des lieux une âme intemporelle. Des photos de famille — où la princesse apparaît tantôt seule, tantôt en compagnie de ses jeunes enfants et de son époux — habillent les murs et viennent rehausser le caractère authentique de la suite. Chaque portrait est une porte ouverte sur l’intimité et la sensibilité de la Princesse Grace Kelly ; un cadeau issu des archives de la Principauté de Monaco et offert à l’hôtel.
Suspendues en toile de fond dans le cadre de chaque fenêtre, les eaux du Léman tracent, d’une pièce à l’autre, leur propre ligne d’horizon. De la salle à manger jusqu’à la chambre, on se perd toujours avec délice dans ce décor de carte postal qui s’offre à nous : Genève, son lac, son jet d’eau, sa rive droite et ses montagnes palpitent à nos pieds.
Dans la lumière de cette fin d’après-midi — « the golden hour », disent les Américains —, la suite est saisissante de beauté. Le soleil jette des reflets diaprés sur la somptueuse mosaïque qui orne d’alcôve de la salle de bain. Toute de marbre blanc et d’or, la salle d’eau en impose par ses volumes et par son style, quelque part entre épure contemporaine et réminiscence Art déco. Dans la chambre, les derniers rayons de la journée viennent se prendre dans les verreries du lustre et dans le superbe paravent satiné contre lequel repose le lit. « Il est brodé de fleurs de fenouil, nous explique-t-on durant notre visite, c’était la fleur préférée de la Princesse Grace Kelly. Les motifs s’inspirent d’une broche qu’elle chérissait ». À la façon d’antan — et peut-être aussi pour apporter une touche dramatique —, le paravent cache un dressing qui aurait certainement sa place au sein d’un palais. Là encore, l’Hôtel de la Paix se joue des codes, mêle les époques et crée des espaces surprenants, hors du temps.
Un dernier coup d’œil au vieux télescope doré qui trône dans la chambre — sans doute un clin d’œil à l’esprit d’aventure de la princesse — avant que le soir ne tombe : d’ici, on ne voit ni la mer, ni le Rocher, mais les sommets des Alpes. Assis sur la terrasse, on comprend sans mal ce que la Princesse de Monaco pouvait venir chercher ici : la nuit se pose et Genève revêt son habit de lumière ; autant de petites étoiles qui se reflètent, elles aussi, dans le lac Léman. Dans cette atmosphère, on peut entrevoir nombre de récits dignes de contes de fées, mais ça, c’est encore une autre histoire.
Par Eduardo Costerg
© photos The Ritz-Carlton Hotel de la Paix Geneva